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Haïti dans le monde

"Mémoires politiques et politique de la mémoire" par Yves Chemla



Compte-rendu analyse du livre de Max H. Dorsinville, Mémoires de la décolonisation, Montréal, Mémoire d’encrier, collection Chronique, 2006

Né en 1910, Max Dorsinville fut un des plus brillants commis de l’État et diplomates qu’Haïti aura connu. Engagé dans la vie politique intérieure, il connaît les présidences qui de Dartiguenave et Borno à Duvalier se succèdent dans les ententes anti démocratiques. Attaché successivement à plusieurs ministères, gravissant les échelons d’une carrière honorable, il rejoint rapidement le monde de la diplomatie. Dans la seconde partie de sa carrière professionnelle, à partir de 1945, il est attaché à la représentation haïtienne des Nations unies. Ce sera le temps pour lui d’une carrière cette fois d’envergure internationale. Disparu en 2005, il a laissé à ses fils un volumineux ensemble de notes, de récits et d’anecdotes, qui leur étaient destinés. Max et Marielle Dorsinville en ont extrait un fort volume de plus de 500 pages, qui permettent au lecteur de revenir sur cette traversée du siècle : au soir de son existence active, Max H. Dorsinville revient sur ce parcours, et dans une langue précise et maîtrisée, soucieuse de la rigueur, comme de l’évocation par des images saisissantes, fait revivre à son lecteur la passion du service public par un de ses fervents acteurs. L’ouvrage est structuré en trois parties : Au gré du souvenir (1910-1946) ; L’ONU et l’Afrique (1947-1955) ; L’Afrique (1956-1963). Ce qu’il importe de distinguer ici est que pour l’auteur, l’action ne se distingue pas du souci de l’expression, sans doute de ce qu’il faut bien appeler une morale de la forme, qui met en cohérence l’action et le récit qui en est fait. C’est sans doute cet aspect qui pourrait faire de cet ouvrage et de cette mémoire une source d’inspiration active, et sans doute positive, au moment où Haïti a tant besoin de cadres.

Un des premiers traits de cette écriture est bien qu’elle est assurée de son fait, et particulièrement bien renseignée. Dorsinville n’est pas d’ans l’à-peu-près ni le presque-rien, mais bien dans la tentative délibérée d’embrasser le monde depuis son propre regard d’Haïtien natif-natal. C’est l’inscription d’une succession d’analyses, qui parviennent à la page au gré de telle ou telle action, ou de telle anecdote. La linéarité de la mémoire est en effet étayée par un discours continu sur l’inscription géopolitique d’Haïti, sur l’histoire de ses acteurs. Il n’y prend pas de précaution. Voici par exemple ce qu’on peut lire, à peu près au centre de ces Mémoires : « Nés de la violence coloniale, hantés par l’inimitié des uns ou l’indifférence des autres, parias de la communauté internationale qui voyait en nous le mauvais exemple pour le système colonial, manquant d’instruction, nous n’avons pas su transcender les obstacles d’ordre naturel et moral dont l’appareil guerrier a cru pouvoir s’accommoder. La progression de l’autoritarisme, au cours de plus d’un siècle et demi d’indépendance, nonobstant quelques intervalles de libéralisme éclairé, a été constante sous divers déguisement et s’est justifiée par un autre aspect de notre atavisme se manifestant sous la forme d’un individualisme indiscipliné. D’où nos propres contradictions : culte et haine de l’autorité, amour du pouvoir et refus du jeu démocratique ». Pourtant le texte ne se résout pas dans le spectacle contempteur ni dans la flagellation de soi, encore qu’il est nécessaire de revenir sur ces notions d’un psychologisme inactuel, comme « l’atavisme ». Ce que remet en selle le mémorialiste, ce sont bien ses propres choix et son énergie mise à dépasser un cadre toujours plus étroit, et que Duvalier va férocement sceller. D’une manière assez claire, ainsi, c’est en raison de cette médiocrité qui semble chercher à happer et éteindre sa conscience dans des conflits mineurs, centrés sur l’intérêt matériel, que l’auteur demande et parvient à obtenir une mission d’intérêt national : puisque dans son pays, il ne parvient pas à faire valoir sa capacité et ses compétences, alors sans doute il devrait être possible de le servir par delà la mer. Car malgré les défauts inhérents aux conditions de sa fondation, l’Organisation des Nations unies est d’abord un espace où l’échange et la controverse demeurent possibles, selon l’auteur. En tous les cas, ce n’est pas le lieu d’écartèlement entre le culte et la haine de l’autorité, portés en même temps.

Tout a commencé dans les premières années du XXème siècle, dans cet Haïti secoué et tétanisé par la violence sociale, qui ravage les êtres et asservit les campagnes. Le jeune Dorsinville est d’une famille dans laquelle les humanités sont cultivées. Le père, Hénec, a fondé une revue, L’Essor, et brigue quelque poste dans le service de l’État. Le frère de Max, Roger, après une brève carrière militaire, sera l’écrivain que l’on sait. Et le fils de Max reprendra le flambeau. La mère n’est pas en reste. Commerçante et couturière de son état – et l’on comprend que c’est elle aussi qui parvient à assurer l’alimentation de la maisonnée -, c’est une lectrice : Hugo, Lamartine, Dumas, Flaubert, Loti, mais aussi L’Imitation de Jésus-Christ, sont sur sa table de chevet. Elle assiste aux récitals de Justin Élie et de Ludovic Lamothe.  
Mais au moment où cette histoire commence, le service de l’État est bien mal en point. Il est à l’image de ce que voit passer devant lui le jeune enfant, un matin de 1915 : « Je jouais sous la galerie extérieure de notre maison quand mon attention fut attirée par le passage de groupes d’individus armés. Ils avaient qui des fusils, qui des machettes, et autour du coup un mouchoir rouge. (...) Et ce fut l’irruption d’une foule excitée, déchaînée, venant du Petit-Four. Elle lançait des imprécations, des injures, des cris de triomphe : “Nou prend li ! Nou prend gros cochon an !”. Ce fut vraiment comme un cochon que l’on tirait au bout d’une corde, filingué, couvert de sang et de poussière, que j’ai vu de mes yeux d’enfant de cinq ans, ce 28 juillet 1915, un tronc sans tête, sans bras, sans jambes ». C’étaient les restes du président Sam. Il semble bien que ce soit contre la vision de ce corps démembré que l’écriture des Mémoires cherche à se construire.

Ainsi, toute la première partie fait-elle revivre le monde des relations, dans un Port-au-Prince qui avait encore taille humaine : soixante ans après, Dorsinville nomme les lieux, les coins des rues, les personnes, les relations entre elles, les parrainages, les cousinages, les alliances de famille, les voisinages. C’est une étonnante galerie de portraits qu’il propose, qui est aussi une école de l’observation. Les lieux sont décrits avec une étonnante précision, comme s’il fallait sortir des récits confus, des géographies improbables. Comme si l’essentiel était bien dans cette volonté de marquer que malgré la pauvreté, somme toute relative, la progression sociale demeure possible. Fin observateur, il revient à plusieurs reprises sur les crises politiques, sur les moments de grandes réussite, mais aussi sur les causes des échecs : « Tout au long du passé, il s’est trouvé des esprits d’élite, des hommes qui auraient pu être des guides éclairés d’une nation d’analphabètes. Ils ont été tenus en échec par des forces tapies dans les coins obscurs de leurs repères et ont jalonné des Golgotha sous les coups de force anarchiques qui décidaient de la conjoncture. Le chef militaire trop souvent à court d’instruction formelle, s’emparait du fauteuil qu’il était censé protéger et, se croyant subitement oint d’une force de grâce d’état, se déclarait père de la nation et se transformait vite en satrape, maître des vies et des biens ».

Parfois aussi, presque à son insu, il évoque en creux ce qu’il en est de cette violence sans apaisement : dans la façon d’éduquer ses propres enfants, reproduisant la rigidité dont il a lui-même fait l’épreuve, sanctions violentes et récompenses sucrées. Mais aussi, dans le souci de démarquage social qui est le sien, toute une série de notations montrent combien la faille entre bourgeoisie et classes populaires est intense. Le regard est en général celui de la condescendance, presque futile : « Nous croisions les accortes commères, vendeuses d’akassan ou acassan chaud au sirop, qui dévalaient les pentes d’un pied sûr, la barque bien équilibrée sur la tête supportant la touque, vidée du pétrole original, soigneusement récurée, devenue récipient commode pour la préparation et le transport de la bouillie de maïs. Nous passions les cailles à demi-cachées par la végétation, petit-mil, bananiers aux régimes prometteurs, et ne manquions jamais de saluer d’un bonjour sonore le maître des lieux ou la mère à la marmaille grelottante et piailleuse, tirant sur son cachimbo tout en faisant chauffer sur un feu de bois le café à l’arôme persistant ». On aura sans doute compris que si les enfants grelottent, à Carrefour-feuilles, c’est bien de froid et de fièvres… D’autres notations semblent aussi persister dans cet aveuglement assumé : « Il était amusant de voir nos braves paysans et paysannes s’arrêter à l’entrée de la ville pour quérir la paire de savates ou de souliers suspendues à la ceinture ou enfilée à l’épaule. Ces savates et ces souliers les gênaient terriblement sur les routes de la plaine ou sur les sentes déclives des mornes ». On sait combien cette histoire de sapattes est justement un des points de marquage social. C’est là aussi que ce marquage est aussi affaire de politique et de projet de société : Dorsinville ne s’est pas défini comme progressiste, dans ces années où l’adjectif renvoyait à la proximité d’avec le parti communiste. Ainsi, il justifie l’éloignement des miséreux de la capitale, lors de visites de dignitaires étrangers. Il est vrai aussi que le pays est sous occupation : « Surtout, qu’on ne crie pas à la brimade, à la violation des Droits de l’homme, à l’attentat à la liberté individuelle !... Il n’y a pas un pays au monde où l’autorité ne prend des mesures semblables, c’est-à-dire ne met à l’ombre pour quelques temps ou n’envoie au vert les éléments disparates ou inquiétants de sa société susceptibles de causer des troubles ou de faire tache dans le décor ».
Notre conscience s’offusque désormais de cet état social. Mais la réalité a-t-elle changé pour autant ? En revanche, c’est aussi à l’intérieur du texte de Dorsinville que se manifeste de façon récurrente la peur de ces émeutes, et des actions des cacos : dans le voisinage des Dorsinville, dans les faubourgs de Poste Marchand, les cacos ont tué. Ce pays en-dehors, c’est bien celui qui est marqué de l’étampe de la populace, et des débordements liés au carnaval. Et c’est précisément dans le creux de l’histoire que surgit un portrait de Péralte, qui ne correspond pas à celui du héros populaire : il est vrai que ce portrait vient de la bouche d’un officier, qui a combattu l’homme, et que Dorsinville présente comme choquant. Il n’empêche, il le transmet à son lecteur : « J’avoue que j’ai été choqué du jugement péremptoire porté sur Charlemagne Péralte dont l’occupation américaine avait fait un héros et un martyr à placer dans le panthéon national avec Benoît Batraville, Mizael Codio, Pierre Sully, Germain et d’autres. Pour le colonel, Charlemagne Péralte restait purement et simplement un bandit. Parce que si l’on comprenait qu’il se fût révolté et mis à la tête d’une armée pour combattre cette occupation, l’on s’expliquait malaisément qu’il se fût livré personnellement et eût permis à ses lieutenants de se livrer à tant de déprédations contre les biens, les mœurs et les vies de leurs propres frères et sœurs au nom desquels ils étaient censés combattre.

Charlemagne faisait rafler pour son usage personnel les vierges de seize à 18 ans [sic] ; il se faisait suivre d’un véritable harem. Couramment, on s’entendait dire par une jeune femme enceinte qu’elle l’était de ce véritable bouc. Avec cela, pas brave. Armé comme un cuirassé, il était le premier à décamper au premier coup de feu. Et c’est de cet homme qu’on a fait un héros national, qui a eu, il y a quelques années, des funérailles d’un demi-dieu, dans la ville du Cap-Haïtien qui, si elle avait témoigné une joie et une piété de commande, n’en était nullement heureuse, ayant bien connu son homme. Beaucoup parmi les thuriféraires officiels ne s’y trompaient pas ; il fallait battre monnaie nationaliste sur le dos des victimes des blancs oppresseurs. Et celle-ci était une authentique, puisqu’elle avait été traquée, forcée dans son repère par le sergent Henneken, accompagné de quelques gardes.
Il en était de même de Pierre Sully, la première victime des envahisseurs à Port-au-Prince, alors que Sully était plus ivre d’alcool, de tafia, que de patriotisme quand il ouvrit le feu sur les ombres qui approchaient son poste. Cela, on le sait, on ne peut pas le dire ! Ça a servi contre l’Américains, ça servira encore demain. Comme si lui n’était pas aussi renseigné que nous ». Ce portrait, il faut sans doute l’entendre ainsi, s’intègre à un système général de description du politique haïtien.

Il fait sens : à l’inverse, c’est justement sur les relations, sur ce qui lie et relie, qu’insiste alors Dorsinville. Il offre à son lecteur sans doute la plus étonnante galerie de portraits des lettres haïtiennes, décrivant ainsi un véritable théâtre de la mémoire. Très nombreux sont ces personnages qui sont ou bien rapidement évoqués, mais retrouvant dans ce texte une existence sur laquelle les historiens peuvent se concentrer, mais aussi des portraits accomplis, qui montrent des êtres en action :  Borno, Dartiguenave, Vincent, Lescot, Estimé, Gérard de Catalogne, Trujillo, Price-Mars, Hudicourt, Enaillo Nonez, mais aussi les Roumain, Louis et Jacques, avec lequel il n’est pas tendre : « Nous n’avions que 20 ans. L’on nous excusera sans doute d’avoir davantage accordé de l’intérêt à nos petites et égoïstes affaires d’apprentis adultes.  Nous ne prenions pas au sérieux l’étiquette de communiste accolée au fils de grands bourgeois qu’était Jacques Roumain. Nous y voyions une coquetterie de dandy assurée d’une table généreuse prenant plaisir à troquer de temps à autre le complet du bon faiseur contre la rude vareuse en bleu denim du péon des fermes familiales ». Le mot est sévère. Mais aussi Roussan Camille, Carl Brouard – habillé en femme lors d’une de ses frasques, Laleau, Bellegarde, Gouraige, Stephen Alexis, Jacques Alexis – dont une prescription mal dosée enverra ad patres un de ses malades -, et François Duvalier… Pourtant ce monde de relations n’est pas non plus exempt de reproches, et son jugement est aussi sévère. Parmi les nombreux épisodes de ces petits arrangements entre tenants du pouvoir est ainsi évoqué celui-ci, significatif de pratiques qui confondent l’intérêt de la nation et l’intérêt privé : « Vers la mi-août [1953], le ministre Liautaud décorait de l’ordre Honneur et Mérite l’ambassadeur d’Haïti à la Havane, Marcel Fombrun, en présence de son père, président du Sénat, et d’Adelphin Telson, président de la Chambre des députés, sans aucune raison spéciale que les bonnes relations et aussi sans doute pour le remercier des attentions reçues à l’occasion de son voyage de noces. Les discours étaient tout remplis de fervente amitié. Ce qui fit dire à Telson en partant : “Mon cher Max, tu vois comment ces messieurs se renvoient la balle !” Oui, ces messieurs savaient comment y faire ». Et ce moment est des plus légers comparé à ce qui est raconté des crises majeures : les incendies de 1930, les Vêpres dominicaines, l’Affaire Calixte, les complots et conspirations qui émaillent la vie politique, comme les rumeurs savamment distillées, ou bien les menées des affairistes : Laraque et Arpad Plesh. Ce sont aussi les drames et spoliations diverses, mais particulièrement significatives que rappelle l’auteur : les meurtres de Lélio Memnon, ou bien celui des membres de la famille de Ludovic Désinor. Le tableau général est bien celui de la montée des tensions, et des difficultés qui culminent avec la déposition du président Estimé.

Mais entretemps, Dorsinville a tâté de l’expérience des dossiers internationaux. Il est des premières commissions de la jeune ONU et voit combien il est nécessaire d’avoir une excellente maîtrise de l’argumentation, mais aussi de l’information. Le contexte général devient progressivement celui des décolonisations, contre lesquelles les puissances tiennent des discours antinomiques. La position haïtienne sait rester ferme, la tradition anticoloniale étant fermement ancrée dans la pensée de Dorsinville. C’est à New York qu’il y fait ses premières armes, dans une période ou la ségrégation est encore un fait social avéré, et que même les représentants auprès de l’ONU subissent. Sa vision du Bowery, à New York est tout aussi désenchantée que celle d’Haïti, par exemple. Mais aussi, il sait que la fin de cet état s’approche. Sa proximité avec le diplomate africain américain Ralph Bunche, qui reçoit en 1950 le prix Nobel de la paix pour son action dans le cadre du conflit israélo-palestinien et qui aboutit à l’armistice de 1949, lui fait augurer des changements en cours aux Etats-Unis.

Mais c’est dans la dernière partie de ses Mémoires que ses propres talents sont mis en lumière, notamment dans le journal détaillé de sa mission au Cameroun. La rouerie, pour ne pas dire plus de la puissance coloniale française est à son sommet, lui présentant des mises en scène dignes de manipulations d’un autre âge. Mais en même temps, et c’est le parti pris de Dorsinville, la place du mouvement de l’UPC est également remise en cause par le délégué. Toute cette partie montre la grande finesse d’analyse, les moyens pour parvenir à celle-ci, et surtout la recherche éperdue de la vérité sous les faux semblants qui lui sont adressés. Le lecteur ne suivra pas nécessairement l’idéologue, en revanche l’observateur rigoureux suscite l’attention aux petits faits vrais de la vie quotidienne, à l’analyse de ce qui malgré les camouflages, parvient quand même au regard et à l’analyse. Ce que pressent Dorsinville est bien l’état dans lequel vont se retrouver les bientôt futures ex-colonies, les désastres qui succéderont aux soleils des indépendances. Il est alors proche de Sylvanus Olympio, qui s’apprête à prendre les rênes du pouvoir au Togo, dont Dorsinville a participé à l’autonomie et l’indépendance. Mais en 1957, il fait encore un voyage à Port-au-prince. Il y retrouve la même légèreté et la même impuissance sociale, qui semble se généraliser. Il rencontre François Duvalier, qui semble voir en lui une intelligence qui pourrait lui faire de l’ombre. Il le rétrograde de son poste. Mais aussi, c’est l’effondrement que constate Dorsinville, et des pratiques politiques, comme du monde qu’il avait connu : « J’emportais le souvenir d’une capitale qui craquait sous la poussée des constructions cossues dans les quartiers de Delmas, de Bois Patate, du Mont hercule, etc. En même temps, l’on observait un durcissement des traits, une certaine arrogance chez les uns contrastant avec une certaine gêne, un certain malaise chez d’autres ». Mais c’est bien le monde qu’il connaît qui se ferme. Au retour de sa mission au Togo, il passe par Paris, et il est frappé par  « tous ces militaires déambulant deux par deux, mitraillettes à l’épaule, une étrange impression que celle du regard inquisiteur qui vous suivait dans le dos ». C’est le monde qui se tend, et que les échanges à l’ONU ne parviennent pas à calmer. L’Algérie est devenue un bourbier. Mais c’est même au delà des crises et des combats pour l’indépendance que se projette le regard de Dorsinville : très significativement, après un blanc du texte sur les années 1960-1963, c’est bien sur l’assassinat de son ami Olympio, au Togo, que se referme le livre.
C’est ainsi, sur cette vision pessimiste que se clôt l’ouvrage. On ne doit pas cependant y distinguer l’aveu d’une impuissance : Dorsinville le répète à sa façon à chaque page : la politique est d’abord effort contre le découragement et contre la paresse, qui chaque fois rend possible l’inacceptable. Et il n’existe pas de façon de vivre ensemble qui serait idéale. L’essentiel est alors de travailler sans relâche à l’amélioration des relations. Mais d’abord à la justice, et c’est peut-être aussi dans cette mémoire qu’on pourra trouver en Haïti des raisons de se surpasser. La présence des écrivains d’Haïti sur le front, depuis le séisme, montre, à qui en aurait besoin, que cette mémoire ne s’est pas égarée : c’est bien avec des mots que l’on construit une nation.


Lundi 2 Août 2010
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