Entre le choc[1] de l’Occupation américaine (1915-1934), qui replonge « la première république noire du monde » dans la sujétion coloniale, et le choc de la dictature traumatisante et sous-développante des Duvalier, la littérature haïtienne parcourt un espace à travers lequel la référentialité s’inscrit dans trois terrains, ou trois terreaux, imprégnés de positivité : l’indigénisme, le réalisme merveilleux, les idées marxistes.
L’indigénisme prônait la réoccupation et la réappropriation du terroir culturel. Le réalisme merveilleux cultivait de manière syncrétique l’association entre la prise en compte de la réalité sociale et la liberté créatrice de l’imaginaire. La tendance marxiste privilégiait la dénonciation des formes d’aliénation et les démarches libératrices. Néanmoins l’une des tendances de l’indigénisme débouchait sur un conservatisme ethnologisant qui allait occuper tout l’espace national sous forme d’une dictature obscurantiste essentiellement caractérisée par sa dynamique de déstructuration. L’ampleur de la répression et l’omniprésence de l’action destructrice ont rendu incontournable le spectacle de la dégradation dont la prégnance a pris des formes diverses dans la littérature. Refusant d’abdiquer leur pouvoir créateur, les écrivains ont abondamment traité de cette dégradation.
Nous verrons d’abord ses incursions nombreuses dans les titres des œuvres, témoignant de sa dimension obsessionnelle. Après avoir souligné l’impact particulier de la figure dévoratrice de Duvalier père, nous procéderons par approche comparative afin de montrer le basculement d’un univers littéraire à un autre, plus précisément, de l’univers du réalisme merveilleux à celui de l’esthétisation de la dégradation. Il ne s’agit pas d’une esthétisation décadentiste, mais plutôt d’une mise en lumière critique, dictée par la nécessité du témoignage et du bilan. La littérature du regard qui en résulte a su la plupart du temps éviter les solutions individuelles caractéristiques du roman picaresque ainsi que cette forme d’orthodoxie qui avait fini par stériliser le roman prolétarien et le réalisme socialiste.
Lire la suite
Télécharger l'article au format PDF
L’indigénisme prônait la réoccupation et la réappropriation du terroir culturel. Le réalisme merveilleux cultivait de manière syncrétique l’association entre la prise en compte de la réalité sociale et la liberté créatrice de l’imaginaire. La tendance marxiste privilégiait la dénonciation des formes d’aliénation et les démarches libératrices. Néanmoins l’une des tendances de l’indigénisme débouchait sur un conservatisme ethnologisant qui allait occuper tout l’espace national sous forme d’une dictature obscurantiste essentiellement caractérisée par sa dynamique de déstructuration. L’ampleur de la répression et l’omniprésence de l’action destructrice ont rendu incontournable le spectacle de la dégradation dont la prégnance a pris des formes diverses dans la littérature. Refusant d’abdiquer leur pouvoir créateur, les écrivains ont abondamment traité de cette dégradation.
Nous verrons d’abord ses incursions nombreuses dans les titres des œuvres, témoignant de sa dimension obsessionnelle. Après avoir souligné l’impact particulier de la figure dévoratrice de Duvalier père, nous procéderons par approche comparative afin de montrer le basculement d’un univers littéraire à un autre, plus précisément, de l’univers du réalisme merveilleux à celui de l’esthétisation de la dégradation. Il ne s’agit pas d’une esthétisation décadentiste, mais plutôt d’une mise en lumière critique, dictée par la nécessité du témoignage et du bilan. La littérature du regard qui en résulte a su la plupart du temps éviter les solutions individuelles caractéristiques du roman picaresque ainsi que cette forme d’orthodoxie qui avait fini par stériliser le roman prolétarien et le réalisme socialiste.
Le discours des titres
2 Si l’on examine la production romanesque haïtienne qui s’étend des années de la dictature des Duvalier en Haïti (1957-1986) jusqu’au début du troisième millénaire, l’on s’aperçoit aisément d’une tonalité dramatique dominante dans les titres des œuvres. On voit s’afficher crûment les thèmes de la démence ou de la possession (Amour, Colère et Folie (1968)....Lire la suite
Télécharger l'article au format PDF
L'ESTHÉTIQUE DE LA DÉGRADATION DANS LA LITTÉRATURE HAÏTIENNE.pdf (284.46 Ko)