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En Haïti

31 mai 2013 > Le Jean-Claudisme a-t-il un coût ? par Jean-Claude Boyer in Le Nouvelliste



Les professeurs Pierre Buteau et Lyonel Trouillot ont pris l'initiative de faire parler des intellectuels sur ce qu'a été la période jean-claudiste pour que la mémoire ne s'efface pas, que l'oubli ne crée aucune confusion du genre qu'avant était meilleur que maintenant.

Dès l'introduction de l'essai collectif «Le prix du jean-claudisme: arbitraire, parodie, désocialisation» (C3 Editions, Imprimerie Brutus, 233 pages), Lyonel Trouillot laisse éclater sa colère. Son ton virulent est pour dessiller les yeux de la nouvelle génération, de ces jeunes qui n'ont pas connu la période «où l'on se parlait par signes», pour reprendre la célèbre expression du poète Anthony Phelps. En effet, le présentateur de l'essai ne mâche pas ses mots à propos d'une expérience qui a été une perte de temps et a débouché sur un fiasco. Trouillot se garde d'amalgamer en distinguant les deux périodes, cependant il considère que le jean-claudisme a été un prolongement du duvaliérisme. Il veut en finir avec le mythe de la dictature douce, rappelant, pour l'histoire, que les Haïtiens ne savaient pas sur quel pied danser. Il écrit: «On ne savait jamais si on n'était pas allé trop loin quand on donnait un cours de lettres ou d'histoire-géo, quand on animait une émission de radio, dans une simple conversation avec des amis ou des connaissances.» (page 12).

Pour une commission justice et vérité

L'histoire du jean-claudisme est elle-même marquée par l'arbitraire et la répression. La société haïtienne devrait s'inspirer de l'exemple sud-africain, puisque le célèbre écrivain exprime ouvertement son sentiment sur la nécessaire réconciliation: «Peut-on, en toute décence, demander aux victimes de faire la paix avec leurs bourreaux, sans que justice ne leur soit rendue ?» Catégoriquement, il poursuit : «Demander la paix sans rendre justice, c'est encore faire descendre très bas cette société souffrant d'affaissement éthique et d'amnésie.» (page 12). Pour dessiller les yeux des plus jeunes Sur la question d'enrichissement rapide, on peut ne pas être d'accord avec le radicalisme de Trouillot, cependant il a le mérite de brosser un panorama de la période des années 1970-1980. Trouillot va jusqu'à croire que «ce que nous payons en partie aujourd'hui, c'est justement cet avant» où la parole était bâillonnée. Le jeune d'aujourd'hui a le droit d'opiner. Le travail collectif a été inspiré à Lyonel Trouillot après la rencontre d'un jeune homme qui exultait le jour-anniversaire de Jean-Claude Duvalier. Pour ce jeune homme anonyme, pour les victimes de la répression sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier, pour ceux à qui le jean-claudisme a volé leur jeunesse, pour contribuer au travail de mémoire et de pensée nécessaire afin de transformer la société haïtienne vers plus de justice et de bien-être, ce livre a été écrit. Le boycott de la réforme éducative Comme la réflexion politique est prisée, le lecteur va dévorer l'essai avec avidité.

La première contribution est du professeur Guy Alexandre, sociologue, ancien ambassadeur d'Haïti en République dominicaine. Guy, avec passion, décrit la ruche bourdonnante que fut l'Institut pédagogique national (IPN) où, sous la direction du ministre réformateur Joseph C. Bernard, la nouvelle orientation de l'éducation a été concoctée. La politique malsaine, malicieuse, vicieuse, cynique ôtera les illusions à cette équipe de techniciens qui voulait d'un enseignement autre. Son texte a pour titre «La politique éducative du jean-claudisme : chronique de l'échec organisé d'un projet de réforme».

La passion nuisible

Pour conduire valablement le projet éditorial, ne convenait-il pas d'y mettre de la raison au lieu de l'émotion ? Parce que déjà, dans le procès intellectuel intenté au régime déchu, n'y a-t-il pas trop de passions ? Je lis Lyonel Trouillot, je lis la contribution de mon ami Pierre Buteau, la passion que l'un ou l'autre affiche ne nuit-elle pas à l'objectivité de la démarche ? Comment un professeur du calibre de Pierrot peut-il se substituer au juge de l'ordre judiciaire ? Le professeur Buteau, sentencieux, interpelle l'ancien président à vie: «Voici, en effet, un homme d'Etat qui aurait dû se retrouver en prison pour les crimes et les méfaits causés à ce pays par le régime qu'il incarnait (...)» (page 39) Ne faut-il pas du recul pour porter le regard sur l'histoire récente ou immédiate ? La passion aveuglante n'est pas, à mon sens, indiquée dans un travail académique.

Un réquisitoire implacable

En tout cas, Pierre Buteau, usant d'une prérogative citoyenne, dresse un réquisitoire implacable contre Jean-Claude Duvalier qui s'est oublié jusqu'à demander des comptes à ses successeurs. L'ancien président doit se mordre les pouces pour avoir allumé l'étincelle. Les réactions à son questionnement sont peu amènes. L'intelligentsia lui demande plutôt des comptes. Comme un boomerang. Au comble de l'indignation, l'historien et professeur d'histoire accule dans les cordes l'ancien président à vie dont le moins que l'on puisse dire est qu'il l'a cherchée, cette volée de bois vert. Pierre Buteau, dans sa lettre à M. le Président, ne dédouane pas le personnel politique de «La transition qui n'en finit pas»; cependant, il constate que Jean-Claude Duvalier ne saisit pas trop bien le rôle historique que son gouvernement a joué dans cette catastrophe. Buteau l'interpelle : «Qu'aviez-vous fait de mon pays ? Apostrophiez-vous avec hauteur et dédain lors de votre audition.» Il lui retourne la question : «Qu'ont fait le duvaliérisme et les duvaliéristes de ce pays que les gouvernements d'Estimé et de Magloire avaient légué aux fils d'Haïti ?» La réponse tombe comme un couperet : «Les duvaliéristes l'ont détruit.» L'élan, avec Estimé et Magloire, stoppé Pierre Buteau, à l'appui de ses griefs, remonte dans l'histoire. Son argumentation est serrée en s'adressant à M. le Président : «Avant l'avènement de votre père à la magistrature suprême le 22 septembre 1957, ce pays évoluait dans le cadre d'un régime démocratique fragile mais stable. Ce régime démocratique, contrairement à celui qui a émergé après votre chute, favorisait une certaine croissance et une production limitée certes, mais qui parvenait à nourrir la population.» Toujours démonstratif, Buteau soutient, avec un mâle courage, sa thèse : «Le mirage du bonheur vivrier persistait encore. Les paysans étaient en accord avec leur environnement et ne ''misaient'' pas en ville. L'espace urbain vivait dans l'harmonie et les familles étaient encore protégées par les lois de la République.» Sur l'Haïti d'hier, court, avec nostalgie, le regard de l'historien: «Les journalistes du monde entier débarquaient pour découvrir Haïti; les comédiens, les troupes théâtrales, les personnalités du monde intellectuel venaient de partout visiter ce qu'on persistait à vouloir enfermer dans la très douce expression de ''Perle des Antilles''. Lire la suite sur le Nouvelliste...

Lundi 17 Juin 2013
Admin C2I
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