Jean-Michel Basquiat aurait cinquante ans cette année. On peut imaginer l’ampleur qu’aurait pris son œuvre avec le temps. L’enfant terrible de la scène new-yorkaise, disparu à 27 ans laisse déjà derrière lui un ensemble incroyable de toiles et de formats divers, sans compter d’innombrables dessins. A partir du 15 octobre, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris rendra hommage à cette création débridée, dans une rétrospective présentant une centaine d’œuvres.
Avant cela, le film Jean-Michel Basquiat, The Radiant Child, de Tamra Davis, qui sortira le 13 octobre, constitue une introduction particulièrement émouvante au travail plastique de ce jeune homme ambitieux et fragile, libre et tourmenté.
La réalisatrice était une amie proche du peintre. En 1985, elle filme un long entretien vidéo de Basquiat, alors au sommet de sa courte carrière. Ce n’est qu’en 2005, à l’occasion d’une rétrospective au Musée d’Art Contemporain de New York, qu’elle se laisse convaincre d’en montrer un premier montage. A partir de ce document, prenant alors tout son sens documentaire après le Basquiat de Julian Schnabel (1996) ou le Downtown 81 d’Edo Bertoglio (2001), la réalisatrice a mené une série d’entretiens complémentaires avec les personnes ayant suivi l’ascension fulgurante du peintre.
Le film, agrémenté d’une riche sélection d’archives, fait intervenir des galeristes de référence tels que Larry Gagosian, Bruno Bischofberger, ainsi que des pionniers de la culture urbaine comme le peintre-musicien Fab 5 Freddy.
Mais les témoignages les plus touchants sont livrés par deux femmes. Suzanne Mallouk d’abord, petite amie de la première heure, témoin de sa vulnérabilité dans une société encore dominée par un racisme rampant (elle relatera le soir où Basquiat rentre en pleurant, après avoir essayé de travailler comme électricien chez une bourgeoise le traitant comme un esclave).
Annina Nosei ensuite, qui la première lui offre un espace d’exposition institutionnel, et lui ouvre un atelier, avant de le voir s’envoler vers des galeries de plus en plus importantes. Elle commente avec tendresse la manière de travailler de Basquiat, qui joue en boucle et à plein volume le Boléro de Ravel, s’entoure d’images télévisuelles et de livres, peint avec frénésie pendant des jours, tout en gardant une vie sociale nocturne des plus intenses.
Une euphorie qui se conclura dans l’angoisse, la paranoïa et la drogue. Car le documentaire est aussi l’occasion de cerner un peu plus la personnalité complexe du peintre. On le découvre fils de bonne famille, élevé dans un milieu favorisé, mais victime d’une course affective permanente vers un père distant – voire glacial. Une figure paternelle que l’artiste retrouvera auprès de Andy Warhol, dépeint ici avec une grande sensibilité. Le maître Pop, aux antipodes de son image de vampire glamour, entretiendra avec Basquiat des rapports quasi filiaux, lui prodiguant conseils pratiques et mises en garde, le couvrant d’une attention presque amoureuse. Passé du poème tagué aux dessins morphologiques puis politiques (Avec Defacement, il représentera notamment le passage à tabac mortel de Michael Stewart, jeune graffeur noir tué par deux policiers), Basquiat est le seul artiste afro-américain de l’époque à investir les hautes sphères de l’art contemporain, un milieu apparemment libéral, mais néanmoins dirigé par une élite blanche, qui le considère parfois comme le Noir de service. Il faut le voir répondre à un journaliste qualifiant son œuvre de primale : « Vous voulez dire primal, comme un singe ? », réplique-t-il, dans un sourire nerveux…
Tous deux singulièrement novateurs, épris de gloire, marginaux, Warhol et Basquiat s’entendront à merveille, et produiront ensemble des toiles prodigieuses, Basquiat recouvrant avec une douce violence les aplats précautionneux du dandy pop.
La disparition de Warhol sera un choc pour le jeune peintre, et coïncidera avec le début de sa déchéance. L’histoire est connue, mais elle est prend une toute autre dimension dans le film de Davis.
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Avant cela, le film Jean-Michel Basquiat, The Radiant Child, de Tamra Davis, qui sortira le 13 octobre, constitue une introduction particulièrement émouvante au travail plastique de ce jeune homme ambitieux et fragile, libre et tourmenté.
La réalisatrice était une amie proche du peintre. En 1985, elle filme un long entretien vidéo de Basquiat, alors au sommet de sa courte carrière. Ce n’est qu’en 2005, à l’occasion d’une rétrospective au Musée d’Art Contemporain de New York, qu’elle se laisse convaincre d’en montrer un premier montage. A partir de ce document, prenant alors tout son sens documentaire après le Basquiat de Julian Schnabel (1996) ou le Downtown 81 d’Edo Bertoglio (2001), la réalisatrice a mené une série d’entretiens complémentaires avec les personnes ayant suivi l’ascension fulgurante du peintre.
Le film, agrémenté d’une riche sélection d’archives, fait intervenir des galeristes de référence tels que Larry Gagosian, Bruno Bischofberger, ainsi que des pionniers de la culture urbaine comme le peintre-musicien Fab 5 Freddy.
Mais les témoignages les plus touchants sont livrés par deux femmes. Suzanne Mallouk d’abord, petite amie de la première heure, témoin de sa vulnérabilité dans une société encore dominée par un racisme rampant (elle relatera le soir où Basquiat rentre en pleurant, après avoir essayé de travailler comme électricien chez une bourgeoise le traitant comme un esclave).
Annina Nosei ensuite, qui la première lui offre un espace d’exposition institutionnel, et lui ouvre un atelier, avant de le voir s’envoler vers des galeries de plus en plus importantes. Elle commente avec tendresse la manière de travailler de Basquiat, qui joue en boucle et à plein volume le Boléro de Ravel, s’entoure d’images télévisuelles et de livres, peint avec frénésie pendant des jours, tout en gardant une vie sociale nocturne des plus intenses.
Une euphorie qui se conclura dans l’angoisse, la paranoïa et la drogue. Car le documentaire est aussi l’occasion de cerner un peu plus la personnalité complexe du peintre. On le découvre fils de bonne famille, élevé dans un milieu favorisé, mais victime d’une course affective permanente vers un père distant – voire glacial. Une figure paternelle que l’artiste retrouvera auprès de Andy Warhol, dépeint ici avec une grande sensibilité. Le maître Pop, aux antipodes de son image de vampire glamour, entretiendra avec Basquiat des rapports quasi filiaux, lui prodiguant conseils pratiques et mises en garde, le couvrant d’une attention presque amoureuse. Passé du poème tagué aux dessins morphologiques puis politiques (Avec Defacement, il représentera notamment le passage à tabac mortel de Michael Stewart, jeune graffeur noir tué par deux policiers), Basquiat est le seul artiste afro-américain de l’époque à investir les hautes sphères de l’art contemporain, un milieu apparemment libéral, mais néanmoins dirigé par une élite blanche, qui le considère parfois comme le Noir de service. Il faut le voir répondre à un journaliste qualifiant son œuvre de primale : « Vous voulez dire primal, comme un singe ? », réplique-t-il, dans un sourire nerveux…
Tous deux singulièrement novateurs, épris de gloire, marginaux, Warhol et Basquiat s’entendront à merveille, et produiront ensemble des toiles prodigieuses, Basquiat recouvrant avec une douce violence les aplats précautionneux du dandy pop.
La disparition de Warhol sera un choc pour le jeune peintre, et coïncidera avec le début de sa déchéance. L’histoire est connue, mais elle est prend une toute autre dimension dans le film de Davis.
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